La restauration se réinvente en mode obscur

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Les restaurants fantômes ou dark kitchens se multiplient en France. Bien loin d’une tendance passagère, ils tirent parti de la banalisation de la livraison de repas, notamment via des plateformes comme Deliveroo et Uber Eats. Un terreau fertile qui réinvente les concepts et laisse libre cours au développement de business périphériques. C’est notamment le cas des cuisines partagées ou coworkings culinaires qui bénéficient directement de l’ubérisation de la restauration.

L’essor des cuisines partagées, nouveau business de l’ubérisation des restaurants

Comme souvent lorsqu’un marché s’ouvre à de nouveaux acteurs aux concepts novateurs, on assiste à une montée de bouclier des acteurs traditionnels. La restauration n’aura donc pas fait exception à la règle. Toutefois, à chaque renouveau son lot d’opportunités. Aussi convient-il d’ouvrir ses oreilles pour prendre conscience des possibilités nouvelles.

Avec le développement de la livraison de repas à domicile et sur le lieu de travail, on assiste à la multiplication des restaurants fantômes. Ces restaurants sans adresse physique ne se rendent alors disponibles qu’à la livraison. Ils viennent donc concurrencer les restaurateurs traditionnels et faire le bonheur des cuisines partagées. Rien que sur la métropole bordelaise, différents coworking culinaires ont pu bénéficier de leur développement. On trouve par exemple de tels tiers lieux à Mérignac avec Cuisine Pro Partagée, ou encore à Lormont avec Coloc’ 2 Chefs. Et pour cause, les restaurants virtuels ont tout de même besoin d’une cuisine. Leurs besoins sont en revanche différents. Ils misent alors moins sur la localisation et favorisent le partage des coûts et la flexibilité. Une formule idéale notamment pour tester un concept.

Au-delà des coworkings de restauration, de nouveaux business model se développent. Certains visent même à réconcilier les restaurants traditionnels et les cuisines virtuelles. C’est notamment le parti pris de Light Kitchen, qui propose le partage de cuisine de restaurants (1). Le concept : permettre aux restaurateurs et hôteliers de sous-louer leurs cuisines. Déjà séduisante avant le Covid, cette offre a davantage encore rencontré son public pendant le confinement. Et pour cause, avec la fermeture des restaurants, les professionnels se retrouvaient avec des cuisines à l’arrêt mais des frais qui couraient toujours. Light Kitchen vient alors proposer des rentrées d’argent pour les restaurants traditionnels et une cuisine équipée, bien placée et à moindre coûts pour les restaurants virtuels.

Marché des restaurants virtuels, un potentiel accentué par le Covid-19

D’une manière générale, le confinement a accentué la tendance pour la livraison à domicile. Relais de croissance pour les restaurants traditionnels, la livraison de repas est en revanche la condition sinequanone pour les dark kitchens. S’il n’est pas évident de connaître le nombre de ces acteurs sous-terrain, on sait par contre par Uber Eats que la plateforme compte plus de 500 restaurants virtuels en France sur les 15 000 établissements référencés. Estimé à 3,3 milliards d’euros, le marché de la livraison de repas à domicile représente actuellement un peu plus de 5 % du marché de la restauration (1). Il progresse même de 20 % chaque année depuis 3 ans. A contrario, les visites en restauration commerciale augmentent de seulement 1 % par an en moyenne en France.

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On estime ainsi que le marché des cuisines virtuelles pèsera 2,63 milliards d’euros d’ici 2026. C’est quatre fois plus qu’en 2018. (2)

Pendant le confinement et la crise sanitaire du Covid-19, pour continuer à travailler, nombreux sont les restaurants traditionnels qui se sont mués en dark kitchen. Fermant salles et terrasses, ils restent cependant ouverts pour la livraison. Au-delà d’une façon de continuer à travailler, la livraison de repas à domicile peut s’avérer un véritable levier de croissance. Elle permet notamment de s’ouvrir à une clientèle qui n’était jamais passée devant le restaurant ou ne s’y était jamais arrêté.

Les restaurants fantômes et dark kitchen, plus rentables que la restauration traditionnelle ?

Si les restaurants fantômes se développent, il faut dire qu’ils accumulent un certain nombre d’avantages. Ainsi, en n’ayant pas à choisir un emplacement central au coeur d’un centre-ville par exemple, et en ayant besoin d’un espace moins grand (pas de salle ou de terrasse), les dark kitchen peuvent se doter de cuisine haut de gamme pour des loyers moins cher qu’un restaurant traditionnel.

En complément, c’est toute la façon de concevoir le business qui est modifiée. Plutôt que de miser sur les retours d’expérience des clients en salle, les restaurants virtuels s’appuient sur des données statistiques précises issues des plateformes de livraison notamment, ou de leur propre site internet. Ils bénéficient donc d’une source d’information intarissable à laquelle les restaurants traditionnels n’ont pas accès. Besoins clients, zones géographiques actives, menus les plus commandés… Ils peuvent donc adapter leur offre en fonction. En outre, avec une même cuisine, une dark kitchen peut envisager de développer plusieurs marques pour attirer des clientèles variées. Mutualisant le lieu et les matières premières, elles s’offrent les bénéfices de plusieurs restaurants. Baisse des coûts, efficacité accrue, multiplication des commandes, flexibilité… Les restaurants fantômes ont donc les clés pour être rentable rapidement.

Toutefois, ce qui fait leur avantage est aussi leur désavantage principal. Et pour cause, ces restaurants sont tributaires des plateformes de livraison. Elles n’existent que par leur biais. Aussi est-il primordial pour les restaurants virtuels de travailler une stratégie digitale aboutie. Avoir son propre site internet e-commerce, développer son image de marque, être présent sur les réseaux sociaux, investir dans de la publicité font partie des impératifs pour s’affranchir autant que possible des intermédiaires. Dans le même temps, les dark kitchens ne disposent pas d’adresse physique à l’heure où la proximité est de mise. Regain des commerces de quartier, volonté de transparence, fidélisation de la clientèle… Il convient de rappeler que même les pure player comme Cdiscount ou Le Bon Coin s’emparent de la tendance du phygital pour s’offrir des points de rencontre réels avec leur clientèle. 

Sources

  1. Communiqué de presse “Light Kitchen lance une solution inédite pour apporter un revenu simple et sans effort aux restaurateurs et hôteliers dont les cuisines ne sont pas utilisées à 100%”, Light Kitchen, novembre 2020
  2. “Tout ce que vous devez savoir avant d’ouvrir votre restaurant fantôme”, Deliverect, article mis à jour le 24 juin 2020
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