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Industrie Angoulême – Cognac : la force de la coopération régionale

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L’industrie en Nouvelle-Aquitaine tente de se restructurer pour revitaliser les territoires industriels en perte de vitesse. Depuis plus de 20 ans, l’écart se creuse entre les territoires créateur d’emplois et ceux en difficulté. Pour autant, les raisons des succès, comme celles de la désindustrialisation, sont très disparates. Pour étudier les dynamiques locales et l’emploi dans l’industrie, l’observatoire des Territoires d’Industrie a réalisé une étude de cas sur le Territoire d’Industrie Angoulême-Cognac. A travers ces travaux, les économistes et chercheurs Etienne Fouqueray et Emmanuel Nadaud, ont cherché à comprendre la diversité des territoires industriels, déterminer leurs caractéristiques et identifier leurs opportunités de coopération.

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L’emploi industriel s’accroit.

Dynamiques locales et variation de l’emploi industriel

La réussite et le fonctionnement même des industries dépend de conditions locales, difficilement reproductibles ailleurs. Pour revitaliser les territoires industriels, La Fabrique de l’Industrie étudie les pratiques locales, consciente que le dynamisme d’une industrie est aussi créateur d’emploi dans les autres secteurs du territoire.

Elle se débarrasse ainsi des idées reçues, consistant notamment à dire que l’industrie des grandes métropoles est florissante, au détriment de l’industrie de campagne. De même que les grandes bases industrielles ne sont pas forcément celles qui créent de l’emploi. En outre, l’observatoire des Territoires d’Industrie constate que la spécialisation des territoires ne s’avère aucunement un gage de performance. Les clés de succès relevant de paramètres plus profonds, à commencer par des coopérations efficaces entre les institutions et les acteurs sur le terrain (1).

Territoire d’Industrie Angoulême-Cognac : une union viable ?

Pour cette étude, le Territoire d’Industrie Angoulême-Cognac a été choisi parmi 148 territoires d’industrie, pour ses spécificités locales révélatrices des différences entre les différents bassins industriels (2).

D’un côté, dans la région de Cognac, l’industrie se construit autour du cognac. Elle se compose d’une multitude de producteurs ainsi que de grandes maisons. Puis d’un maillage de PME aux savoir-faire reconnus, notamment dans la tonnellerie, l’agriculture, l’emballage, le cartonnage, la verrerie, etc.. L’ensemble du secteur commercialise à l’international et s’appuie sur l’image du haut de gamme et du luxe français.

A contrario, le bassin industriel autour d’Angoulême repose principalement sur la mécatronique et de la papeterie. On y retrouve des entreprises de stockage de l’énergie, de moteurs, d’armement naval, de fabrication de machines et équipements, etc. Les acteurs en place sont nettement moins nombreux mais plus gros, internationaux, ce qui en fait des entreprises peu enracinées localement. Par ailleurs, l’ensemble de cette industrie subit le déclin au niveau national, la zone d’emploi d’Angoulême n’y faisant pas exception.

Autre spécificité, depuis quelques années, une industrie de l’image et du digital, notamment autour de la réalité virtuelle et augmentée, s’installe à Angoulême. Actuellement, elle est le meilleur exemple de la coopération locale et favorise la modernisation des industries en place.

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Cognac, le cumul des facteurs clés de succès

Le dynamisme et l’ancrage territorial des industries dépendent de facteurs multiples. Histoire locale, stratégies d’entreprises, implications des acteurs majeurs, coopération entre les acteurs territoriaux…

Dans l’ensemble, Cognac regroupe la majorité des facteurs favorisant le développement de l’activité. L’industrie locale se base sur un savoir-faire historique et des produits notamment faits pour l’export (98 %). En outre, cette économie est structurée par le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC). Lequel prend les décisions stratégiques pour le secteur. Pour lutter contre les contrefaçons, le Cognac affiche son label AOC, renforçant sa position stratégique. Ainsi que celles des entreprises périphériques, comme les tonneliers cognaçais, réputés pour leur production haut de gamme et vendant à l’international.

De se fait, l’industrie du Cognac n’est pas délocalisable et profite d’un ancrage local fort, bâti au cours des siècles. Par ailleurs, renforcé par la présence de grands groupes mondiaux de spiritueux, il bénéficie d’une force de frappe considérable pour se développer commercialement et investir.

Plus récemment, la filière a même entamé une diversification. Désormais, plus de 50 % de la production mondiale des spiritueux super premium y est produite.

Angoulême, une industrie peu ancrée dans le paysage économique

En face, l’industrie du process et de la mécatronique autour d’Angoulême s’organise très différemment. Elle se compose d’un petit nombre d’entreprises principales, représentant l’essentiel des emplois. Par conséquent, la dynamique locale dépend des choix stratégiques de très peu d’acteurs. Cette situation n’est donc pas sécurisante et insuffisante pour créer des variations positives dans la création d’emplois.

En outre, les entreprises en tête sont des établissements de firmes multinationales. Les décisions les concernant sont donc prises de loin et subies sur le territoire. Elles ne privilégient pas les coopérations locales et donc n’entraînent pas le développement de l’économie de la région. Par ailleurs, ces industries s’avèrent régulièrement les activités d’arrière-plan des multinationales, sur les secteurs les moins dynamiques, comme l’automatisme industriel. Des secteurs de base peu créateurs d’emplois donc.

En revanche, une part de l’attractivité locale revient à des sous-secteurs, tels que la construction navale. Le secteur ne compte pourtant qu’une entreprise à proximité d’Angoulême, Naval Group. Laquelle emploie environ 800 salariés. C’est nettement moins que les multinationales voisines, mais les effets positifs sont plus importants. Notamment grâce au maillage de PME et sous-traitants basés localement. 

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Industrie de demain : miser sur la coopération pour renforcer sa compétitivité

Pour créer une dynamique et des collaborations entre les entreprises du Territoire d’Industrie Angoulême – Cognac, les institutions locales ont lancé la technopole Eurekatech en 2018. Elle regroupe les trois grands secteurs d’activité de la région : l’industrie créative et  numérique, l’industrie du process et de la mécatronique, ainsi que l’industrie du packaging, du luxe et du spiritueux.

Depuis, la structure s’est constituée une image globalement positive de la part des entreprises. Toutefois, les actions menées sont généralement jugées insuffisantes, notamment pour les industriels. Pour cause, la technopole mène davantage des actions d’animation territoriale et économique que des projets structurants d’envergure (tel que le financement d’un projet industriel ou l’aménagement routier, etc.). Les professionnels pointent du doigt un manque de moyens financiers d’une part ; et une animation qui ne favorise pas les relations sociales, d’autre part. Ainsi, certains industriels attendent un pilotage et une animation plus structurée du réseau de dirigeants locaux. Notamment au niveau des PME, qui maillent le territoire bien plus que les multinationales.

En revanche, certains acteurs se font la preuve que des rapprochements sont possibles entre des industries très différentes. Ainsi que ces collaborations permettent de dynamiser l’économie locale et l’emploi. C’est notamment le cas des entreprises de l’industrie et de l’image et du digital, qui travaillent avec les industries historiques du territoire. Parmi les exemples récents, on peut citer la commande de Naval Group auprès du Studio Nyx. Lequel a développé un outil immersif en réalité virtuelle, pour la formation des marins.

Sources

  1. L’étonnante disparité des territoires industriels”, étude de la Fabrique de l’industrie, publiée le 04/11/2019
  2. Angoulême-Cognac : appréhender la diversité des territoires industriels”, étude de la Fabrique de l’industrie, publiée le 08/07/2021
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