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Comment libérer le potentiel humain de ses collaborateurs ? Interview de Gaël Salomon, Bérénice Conseil

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Libérer le potentiel humain des collaborateurs, voilà un sujet central dans la quête de performance des entreprises. Ces dernières années, le déploiement massif du télétravail et du travail hybride ont modifié le rapport au travail. Les collaborations ont ainsi développé de nouvelles aspirations. Dans ce contexte, les managers ont également dû s’adapter et apprendre à développer leur leadership à distance. Néanmoins, les évolutions du monde du travail, en cours depuis 20 ans, et pas seulement depuis la crise de la Covid-19, ont un impact profond sur les entreprises et les équipes. Pression, intégration, formation, autonomisation sont autant de sujets sensibles capables d’entraîner le succès ou la chute d’une entreprise. Pour cause, dans un contexte tendu, un facteur peut faire la différence : le capital humain dans l’entreprise. BORDEAUX Business s’est entretenu avec Gaël SALOMON, fondateur de Bérénice Conseil, sur les solutions concrètes pour développer le potentiel humain des équipes.

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Gaël Salomon, cofondateur et dirigeant de BERENICE CONSEIL

Les facteurs externes et internes influant sur le rapport au travail : poser le contexte

En 15 ou 20 ans, le monde du travail a subit beaucoup d’évolutions. S’il y a moins d’industries et plus de tertiaire, paradoxalement, il y a plus de pression. En la matière, on peut citer quelques raisons majeures qui ralentissent, atténuent voire détruisent le potentiel humain.

La pression de l’innovation

D’abord, les entreprises font face à une pression évidente de l’innovation. Il suffit de regarder la quantité de marques installées qui disparaissent, comme Kodak. Ensuite, elles sont soumises à une accélération du temps qui met une pression additionnelle globale notamment sur les équipes. En complément, l’ensemble des entreprises évolue dans un cadre institutionnel mouvant, en France et à l’international. De nouvelles lois sortent en permanence, obligeant entreprises, directions et équipes à repenser leur modèle et leur approche du travail. Dans ce contexte, le nombre d’entreprises qui disparaissent s’est très fortement accru. En 2015, on comptait encore 15 % des 500 plus grosses entreprises de 1955. Aujourd’hui, c’est 12 à 13 % de ces entreprises qui disparaissent chaque année ou qui entreprennent un plan de sauvegarde.

Les mouvements rapides et répétitifs

Forcément, les salariés sont exposés à des mouvements incessants qui viennent brider le potentiel humain en entreprise. Donc, contrairement à ce qu’on peut penser, les conditions de travail sont paradoxalement plus difficiles. Bien sûr, on ne croise plus de porteur d’eau ni d’allumeurs de réverbère et les salariés portent moins de charges lourdes. Pour parler chiffres, en 1994, 7% des salariés étaient exposés à des charges trop lourdes. On tombe à 4,7 % aujourd’hui. En revanche, ce qui est nouveau, c’est que 16% des actifs sont exposés à des répétitions en série de gestes à une cadence élevées. On a beau avoir des robots, on continue d’user des organismes et c’est aussi source de troubles musculo squelettiques. Le constat est vrai dans l’industrie, la logistique, comme dans le tertiaire. Donc, d’un côté, la charge a diminué mais la vitesse de manipulation a augmenté.

Le resserrement des délais

Autre facteur qui influe sur le rapport au travail et à l’humain en entreprise : la pression nettement accrue sur les délais. Comme tout doit aller plus vite, produire plus rapidement, expédier et livrer dans un temps toujours plus court, les salariés subissent une forte contrainte sur le rythme de travail. En 15 ans, on est passé à 42 % d’actifs qui s’en plaignent, soit 7 points de plus.

Les modifications des espaces de travail

Les ergonomes, notamment spécialisés dans l’aménagement des espaces de travail, le confirment. Les open space sont à la mode, mais ils créent en fait un stress, une surexposition sonore. On estime que juste avant la pandémie, 24 % des salariés étaient touchés, contre 16 % en 1994.

Dans ce contexte, force est de constater que l’environnement de travail et les conditions de travail, du point de vue psychologique, se sont très fortement détériorées depuis une quinzaine d’années. C’est notamment une conséquence d’Internet, du digital, des ordinateurs portables qu’on peut amener chez soi… Cela a entraîné une hausse des déséquilibres vie pro vie perso, qui touche, selon les études, entre 15 et 30 % des salariés.

On assiste également à une augmentation des syndromes d’épuisement. Désormais, les troubles psycho sociaux remplacent les troubles musculo squelettiques. Les dégâts sont moins physiques mais plus psychologiques. Ils ont un impact fort et très négatif sur l’expression du potentiel humain dans les entreprises.

L’évolution des pratiques managériales

Dans l’ensemble, les pratiques managériales se sont nettement dégradées, notamment en conséquence de ces différents facteurs. Elles augmentent d’une part les risques psychosociaux pour les équipes, et sont des pratiques coûteuses dans l’entreprise car elle génèrent du turn-over. En moyenne, le turnover est de 12 à 13 % en France, mais il peut atteindre jusqu’à 50 % dans certaines entreprises. C’est notamment dû à des pratiques managériales inadaptées : exigences émotionnelles, confrontation de valeurs… On estime même que le stress généré par l’entreprise, et notamment le management, coûterait entre 2 et 3 milliards d’euros par an. De même, l’absentéisme qui en découle est un sujet clé. Selon une étude de Malakoff Médéric, un tiers des actifs tout domaine confondu prend en moyenne 18 jours d’arrêt maladie par an.

Les managers aussi sont sujets à cet écartèlement. Pour cause, ils ont de plus en plus de volonté de bien faire. Ils veulent manager dans le souci des équipes et donner du sens mais manquent de méthodologie, d’une part, et sont écrasés par des contraintes économiques à très court terme, d’autre part. Étant vraiment au cœur du système, ils sont souvent eux-même victimes des risques.

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Créer les conditions d’un nouveau mode collaboratif pour libérer le potentiel humain

Le développement du potentiel humain et la mise en place de processus qui favorisent les équipes commencent dès l’intégration. Comme évoqués plus tôt, le turnover représente en moyenne 12 à 13 % des effectifs. Plus encore, c’est le cas de 36 % des recrutements CDI. Et dans 12 % des cas, c’est dû à une mauvaise intégration. Pourtant, le turnover est coûteux pour une entreprise. Un collaborateur qui s’en va coûte entre 1,7 et 2,5 fois son salaire. Frais d’équipement, de management, RH, formation…

Dans la plupart des entreprises, les processus d’intégration sont soit inexistants, soit incomplets, soit pas systématisés. Pour y remédier, il s’agit de mettre en place des actions très pratico-pratiques avec 3 principales étapes. D’abord, en amont, créer chez la nouvelle recrue le sentiment d’être attendu, notamment en lui donnant les informations nécessaires. Ensuite, pendant l’intégration, définir qui le salarié va rencontrer et quand. Puis, au bout d’un mois, prévoir un rendez-vous avec la direction et le management pour établir un rapport d’étonnement des premiers moments et un retour sur les débuts. Cette étape n’est ni à négliger, ni à réaliser au bout de 3 mois. Pour cause, dans chaque recrutement, il y a une phase d’euphorie, puis une phase de doute avec des angles morts. Donc, le faire rapidement permet de conserver la confiance.

Réussir l’intégration mais aussi le départ des collaborateurs

L’implication des collaborateurs est utile à l’intégration mais aussi jusqu’au départ, à tous les niveaux de l’entreprise. En effet, il est primordial pour l’entreprise de ne pas laisser un collaborateur partir en conflit ou de donner le sentiment d’avoir été jeté avec fracas car cela se ressent dans toute l’entreprise. Il faut donc tout faire pour réussir les départs. Autant qu’il faut absolument en profiter pour prendre du feedback car c’est un moment clé pour apprendre ce qu’il s’est réellement passé. Ainsi, mieux vaut qu’une personne neutre, un autre manager avec une bonne image s’occupe de cette étape.

C’est une problématique de marque employeur qui impacte l’interne comme l’externe. Pour cause, en interne, le traitement des anciens salariés joue aussi sur l’engagement des équipes. A l’externe, d’anciens salariés bien traités se font souvent de bons ambassadeurs.

Transformer le management et les pratiques managériales

Pour parvenir à s’adapter à ce contexte mouvant, les entreprises et le management cherchent à tendre vers un nouveau mode collaboratif. Selon Pascal Raymond, cofondateur de Bérénice Conseil, il s’agit de mettre en place un processus de sécurité – relation – tâche.

C’est-à-dire qu’une équipe est capable de trouver les solutions et de prospérer dès lors que les conditions de sécurité sont suffisamment établies pour permettre à chacun de s’exposer, de proposer des solutions, d’expérimenter sans se sentir jugé ou dévalorisé. Par sécurité, on entend la sécurité physique, psychologique et financière. Dans ce cadre, le collectif devient plus fort et 2+2 peut faire 8. Forcément, un changement de management apporte son lot de difficultés. Il est donc possible de former les managers à créer ces conditions.

Ensuite, la notion de relations est importante. Pour cause, c’est le lubrifiant du moteur de l’entreprise. Le rendement économique est d’autant plus élevé que les relations sont alignées, qualitatives. Entraide, confiance, relation directe, cohésion d’équipe et sentiment d’appartenance… Tout dépend de la qualité des relations.

Enfin, cet ensemble bien huilé vient faciliter mécaniquement la notion de tâches. Avec une communication facilitée, chaque collaborateur est en mesure d’identifier les ressources nécessaires pour atteindre ses objectifs. 

Pour développer ces capacités, un manager peut se baser sur 3 facteurs clés. D’abord, il doit savoir communiquer avec les bons mots au bon moment. Il existe énormément de managers ne se rendent pas compte que leur style de communication et le temps consacré n’est pas aligné avec la réussite de l’équipe. Or, bien communiquer permet de créer des conditions de travail vertueuses. Ensuite, il convient de travailler sur un mode de management respectueux et responsable. Cela implique d’ancrer de nouvelles pratiques et donc, dans l’idéal, de se donner les moyens de se former. Ensuite, bien manager induit de savoir limiter et prédire les tensions, y compris au sein des bonnes équipes. Dans la lignée, il s’agit aussi de travailler aussi sur la motivation de l’équipe en adoptant des postures justes.

Actuellement, les résultats mesurés révèlent que là où avant les managers affectaient des tâches, ils se limitent désormais à formaliser et à accompagner les relations et contributions de chacun. Ils laissent ainsi éclore l’autonomie, l’initiative et la responsabilisation. De même, avant, ils définissaient des processus stricts. Maintenant, ils prônent plutôt l’amélioration continue. Ils édictaient des règles et imposaient un contrôle, là où désormais ils valorisent l’autonomie et la confiance.

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Donner plus de sens au travail des collaborateurs

Dans beaucoup d’entreprises, la direction n’a pas le temps de donner du sens. Effectivement, donner du sens passe notamment par de la communication, de la co-construction, ce qui prend forcément plus de temps. En outre, c’est une approche régulière, avec des rituels par exemple, qui implique d’y dédier des moments tout au long de l’année.

D’une manière générale, les managers ne voient pas forcément la conséquence de ne pas donner de sens. Pourtant, chaque collaborateur vient avec son passé, ses expériences bonnes et mauvaises. Des expériences qui poussent chacun à appliquer un filtre à ce qu’il vit. Donc, si l’entreprise ne fait pas d’effort pour apporter du sens, les collaborateurs mettront forcément leur imagination à l’œuvre. Chacun avec des imaginaires différents, qui ne peuvent pas aller dans la bonne direction. Cette situation est destructrice de la bonne énergie, alors qu’au contraire, donner du sens permet de nourrir la motivation des équipes et de lutter contre le turnover.

Pour cause, le turnover n’est souvent pas uniquement dû au management. C’est en réalité souvent une problématique de sens. Il s’agit donc de savoir donner des points de repère et susciter l’adhésion des équipes pour retenir les talents.

Les 5 leviers de la posture managériale pour libérer le potentiel humain des collaborateurs

Expliciter l’utilité du travail. Prendre le temps d’expliquer au collaborateur la raison des tâches qui leur sont demandées témoigne d’une reconnaissance des personnes qui travaillent dans l’entreprise. C’est donc la première marche pour donner du sens. Il est alors important de prendre le temps de présenter la vision de l’entreprise et en quoi chacun contribue à la réussite.

Augmenter la transparence. Être plus clair et plus honnête avec les équipes expose effectivement davantage la direction et l’entreprise. En revanche, c’est aussi le meilleur moyen d’apaiser les discussions et de limiter les quiproquos. Cela crée un sentiment de confiance mutuelle bénéfique à toute l’organisation.

Savoir accorder de l’autonomie. Le sens se construit en faisant donc il est nécessaire de donner de la latitude pour laisser à chaque potentiel l’occasion de s’exprimer. En plus, plus le collaborateur aura de plaisir à réaliser ses missions, plus il apportera à l’entreprise.

Former les équipes, à tous les échelons. Le travail est aussi pour l’humain une source de progrès et de développement du sentiment du développement personnel. Les formations ont donc beaucoup d’importance. Or, pendant des décennies, elles ont principalement été réservées aux cols blancs. Désormais, elles sont ouvertes à beaucoup d’autres métiers et renforcent le sentiment d’appartenance.

Prôner des relations de qualité au sein de l’équipe. Les relations sociales en entreprises sont primordiales pour le bien-être des équipes mais aussi pour la créativité et la proactivité. Elles permettent de s’embarquer dans un projet commun. Ainsi, le sentiment d’appartenance est fondamental. Plus les équipes ont le sentiment de faire partie d’un collectif, plus l’ensemble entre dans un cercle vertueux.

Finalement, pour parvenir à libérer le potentiel humain, il convient d’identifier les axes d’amélioration dans son entreprise. Ensuite, Gaël Salomon recommande de mettre en place une feuille de route et un plan d’action très opérationnel. Plus encore, il invite à faire une feuille de route qui part des équipes. La direction donne un cap, un objectif, quelques axes stratégiques majeurs. Mais c’est avec les équipes, dans une logique de co-construction et de créativité, que l’entreprise définit les étapes du projet.

A propos de Gaël Salomon et BERENICE CONSEIL

Fondateur de BERENICE CONSEIL, Gaël SALOMON est depuis toujours passionné de stratégie « opérationnelle » au service du développement des entreprises et de leurs équipes. Il a œuvré pendant plus de 20 ans à la croissance ou au redressement d’entreprises et de groupes dont il assurait la direction générale.

Aujourd’hui, à la tête de BERENICE CONSEIL, il accompagne des dirigeants dans leurs enjeux présents et à venir, leur apportant tant son expertise que son pragmatisme. Au sein de son cabinet spécialisé en Stratégie, Organisation et Management, il aide les entreprises dans leur développement ou redressement en cherchant des leviers pour retrouver de la confiance. Guidé par l’intime conviction  que le développement économique des entreprises est indissociable du développement du potentiel humain, il aborde toutes les stratégies qui peuvent éviter les restructurations. De la vision à l’action, les consultants de BERENICE CONSEIL assistent les dirigeants dans l’élaboration de leur stratégie et dans sa mise en œuvre effective. Ils accompagnent les phases de diagnostic, de développement, de (re)dynamisation et de transformation des entreprises.

Diplômé d’un Master en Stratégie et d’un Master en Développement International, Gaël est également auteur de travaux de recherche en stratégie et management. Son prochain livre dédié aux stratégies de redynamisation sortira au second semestre 2022.

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