Le marché du logement à Bordeaux a fortement évolué au cours de la décennie. Les prix de l’immobilier ont en effet flambé de 40 %, voire 60 % dans certains quartiers. En revanche, depuis environ 2018, on assiste à une baisse de l’augmentation des prix. Avec la crise de la Covid-19, la tendance semble même s’inverser. Ainsi, le prix moyen d’un appartement bordelais a légèrement baissé, de l’ordre de 3 % en 1 an. La réalité reste toutefois différente selon les quartiers et les villes de la métropole. Pour obtenir une meilleure vision de l’évolution du marché du logement, BORDEAUX Business s’est entretenu avec Christian LOUIS-VICTOR. Professeur à l’ESPI Bordeaux et expert en immobilier, il apporte notamment une vision de l’immobilier dans le contexte des politiques publiques.
Comment expliquer ce ralentissement dans la hausse des prix de l’immobilier ?
Globalement, l’activité immobilière sur le marché du logement était arrivée à un point culminant, principalement sur les grandes agglomérations. Il n’est donc pas étonnant que Bordeaux en fasse partie, après la folle envolée des prix observées ces dernières années.
Du côté des comportements des acheteurs, on constate un départ des très grandes agglomérations au bénéfice des villes périphériques. Cela va même encore plus loin car les populations se répartissent sur l’ensemble de l’hexagone. On assistait déjà à ce phénomène avant la crise mais avec les confinements et la généralisation du télétravail, il a pris une nette ampleur. On a maintenant des parisiens qui vont travailler à Nantes mais préfèrent vivre à La Baule.
C’est lié aussi à l’amélioration des équipements sur l’ensemble du territoire. Désormais, on n’est plus forcé de vivre en ville pour s’assurer des services de qualité. Les gens recherchent une autre qualité de vie donc forcément, ça impacte le marché de l’immobilier. Par conséquent, on assiste à l’afflux de population sur les villes de moyenne importance.
Je pense qu’il y a aussi un autre facteur à prendre en compte pour le marché du logement. Aux dernières élections municipales, il y a eu des changements à la tête des villes, notamment avec l’arrivée du mouvement écolo. Lequel a freiné voire stoppé des opérations immobilières, ou réorienté certains projets. En réalité, ils sont davantage favorables à la rénovation des parcs immobiliers des centres villes, qu’à la construction de quartiers neufs. Forcément, cela pousse à repenser l’immobilier et donc sa valeur.
Est-ce que ce constat sur le marché du logement est valable pour tous les quartiers ? Toutes les villes de la métropole ?
La baisse des tarifs n’est pas forcément valable sur toutes les villes de Bordeaux Métropole. On constate un arrêt de la croissance des prix sur Bordeaux. Mais c’est assez logique parce qu’on avait atteint un point culminant. Ce n’est pas forcément le cas dans les villes périphériques de Bordeaux qui continuent de se développer, ou même dans l’hyper-centre de Bordeaux.

La crise sanitaire a-t-elle impacté le marché de l’immobilier ?
D’une manière générale, la crise sanitaire génère de l’inquiétude et de l’incertitude notamment liés à la perte des emplois. Par conséquent, quelle que soit la zone, ces arguments font poser les crayons de l’augmentation des prix sur le marché du logement.
Dans les faits, il n’est pas facile de savoir si c’est justifié ou non. Quand on regarde les chiffres sur la grippe classique, on enregistre plus de 35 000 décès chaque année. Avec le Covid, on manque de précision ce qui crée un malaise global. Pour la majorité des gens, ce n’est plus le moment de se lancer dans des acquisitions.
Quelles sont les nouvelles attentes des ménages ?
On l’a déjà beaucoup entendu, mais la tendance se confirme. Les acheteurs cherchent à s’installer dans les zones périphériques.
En plus de cela, ce qu’attendent les ménages depuis quelque temps, c’est de pouvoir financer la rénovation, la réhabilitation, la mise au norme de leur logement. Aujourd’hui, on cherche à re-développer l’habitat individuel. Lequel n’était plus très à la mode avec les centres-ville et les immeubles.
On assiste à une nouvelle aspiration à une vie plus écologique, plus qualitative. Une vie avec moins de barrière entre l’environnement extérieur et la vie à l’intérieur. L’immobilier doit chercher à lever les murs, s’ouvrir sur la nature.
Quel est l’avenir du marché du logement à Bordeaux ?
Pour le savoir vraiment, il faudrait poser la question aux nouveaux élus.
Ce qui est certain, c’est que Bordeaux est limitée en termes de surface. Ce sont les villes périphériques qui doivent assurer le développement quantitatif des logements. Selon moi, on doit avant tout avoir une réflexion qualitative de l’habitat existant sur Bordeaux même. Cela va de pair avec la politique d’urbanisation qui consiste notamment à reverdir Bordeaux.
On cherche à avoir une politique environnementale plus acceptable du point du vue des équipements, pour une vie saine. Dans ce contexte, l’immobilier a toute sa place à la table.
Au niveau de l’immobilier locatif, il est absolument nécessaire qu’il se développe qualitativement que ce soit en ville ou en périphérie. Beaucoup de jeunes arrivent sur le marché du travail et ont besoin de locatif car ils n’ont pas encore la possibilité d’investir. Que ce soit pour des raisons financières ou par besoin de flexibilité. Quoi qu’il en soit, il apparaît absolument nécessaire d’améliorer le locatif. Et ce, y compris au niveau des surfaces. Lesquelles sont de plus en plus petites.
Il faut également penser à l’habitat locatif aussi pour les populations issues de l’immigration par exemple. On ne fait pas progresser une ville si on ne peut pas loger les gens qui s’y trouvent.
Il devient donc urgent de développer un habitat locatif de qualité même pour ceux qui n’ont pas des moyens dépassant la ligne médiane. Pour moi, c’est là-dedans que réside l’avenir du logement urbain, y compris à Bordeaux donc.
La ville est-elle toujours attractive en immobilier ?
La métropole bordelaise est toujours attractive par sa qualité de vie. Cela vient de sa culture, le dynamisme du centre-ville, l’emploi… Il y a toujours un fort attrait pour le centre-ville pour tous ceux qui veulent être au coeur.
Pour le reste, cela se joue surtout au niveau des gestionnaires des collectivités locales qui devraient plébisciter une politique plus équilibrée. Nous sommes dans une période de mutation comportementale, notamment pour tous les gens qui vivent en ville. Y compris dans les entreprises.
Depuis un an déjà, on travaille à distance. Par conséquent, les politiques locales doivent se demander quelle politique immobilière mettre en place en ville, en périphérie, dans les grandes agglomérations. Le logement va se retrouver au cœur de la réflexion politique et des gestionnaires des agglomérations.